Ce cours de notre frère Abou Adam explique les actes que le vivant peut accomplir pour une personne défunte. En effet, des actions particulières peuvent être accomplies pour le mort : lesquels ? Ecoutez et vous saurez...
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Ce qui est bénéfique au défunt Cheikh Al-Albânî Le défunt peut bénéficier des œuvres d’autrui à plusieurs niveaux : - Premièrement : l’invocation d’un croyant en sa faveur, dès lors que celle-ci remplit les conditions nécessaires à son acceptation. Cela est justifié par la parole d’Allah : « Et ceux qui sont venus après eux disent : « Ô Seigneur ! Accorde-nous Ton pardon, ainsi qu’à nos frères qui nous ont précédés dans la foi, et ne mets dans nos cœurs aucune rancœur contre ceux qui ont cru. Ô Seigneur ! Tu es certes Compatissant et Très Miséricordieux ». » Quant aux hadiths à ce sujet, ils sont très nombreux. Nous en avons déjà mentionnés certains et nous en évoquerons d’autres, dans le chapitre qui sera consacré à la visite des tombes. Cela apparaît par ailleurs dans les invocations du Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) en faveur des morts, invocations qu’il a recommandées à sa communauté en disant : « L’invocation du croyant en faveur de son frère, en son absence, est exaucée. Un ange qui lui est assigné se tient auprès de lui et dit, chaque fois qu’il invoque [Allah] pour le bien de son frère : « Âmîn. Et à toi de même ». » [Muslim] D’ailleurs, la prière mortuaire témoigne en grande partie de cela, puisque, comme nous l’avons vu plus haut, elle ne consiste pratiquement qu’en une invocation et une imploration du pardon d’Allah en faveur du défunt. - Deuxièmement : l’acquittement, par le tuteur du défunt, d’un jeûne qu’il avait fait vœu d’accomplir. Plusieurs hadiths existent en effet à ce sujet : a) cÂ’ishah rapporte que le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) a dit : « Si quelqu’un meurt en étant redevable d’un jeûne, il incombe à son tuteur de l’accomplir pour lui. » [Al-Bukhârî et Muslim] b) Ibn cAbbâs rapporte qu’« une femme prit le bateau et fit à Allah le vœu de jeûner un mois si celui-ci la ramenait indemne sur la terre ferme. Allah la sauva donc, mais elle ne jeûna pas jusqu’à sa mort. L’une de ses proches [sa soeur ou sa fille] se présenta alors au Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) et lui évoqua ce cas. Celui-ci lui dit alors : [« T’acquitterais-tu de sa dette si elle était endettée ? » Elle dit : « Oui. » Le Prophète reprit : « La dette envers Allah mérite plus encore de l’être.] Acquitte-t’en [donc] [pour ta mère] ». » [Abû Dâwud] c) Ibn cAbbâs rapporte également que « Sacd Ibn cUbâdah consulta le Messager d’Allah au sujet de sa mère qui était décédée et qui était redevable d’un jeûne qu’elle avait fait vœu d’accomplir. Le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) lui dit alors : « Acquitte-t’en pour elle ». » [Al-Bukhârî et Muslim] Ces hadiths indiquent donc clairement la légitimité de l’acquittement, par le tuteur d’un défunt, d’un jeûne que ce dernier avait fait vœu d’accomplir (Sawm An-Nadhr). Toutefois, le premier de ces hadiths apporte, de par son caractère général, un élément supplémentaire qui est la possibilité de s’acquitter du jeûne obligatoire qu’un mort n’aurait pas accompli. Un tel avis a d’ailleurs été soutenu par les savants shâficites. C’est aussi la position d’Ibn Hazm et celle d’autres savants. Les savants du rite hanbalite ont quant à eux opté pour l’avis contraire qui a même été énoncé par l’imam Ahmad ; Abû Dâwûd l’a mentionné dans son ouvrage intitulé Al-Masâ’il (p.96) : « J’ai entendu Ahmad Ibn Hanbal dire : « On ne jeûne à la place d’un mort que dans le cas d’un jeûne que celui-ci avait fait vœu d’accomplir ». » Les disciples de l’imam Ahmad ont ainsi restreint le champ d’application du premier hadith au jeûne que l’on a fait vœu d’accomplir, en s’appuyant pour cela : a) sur ce récit de cAmrah qui rapporte que « sa mère mourut en étant redevable d’un certain nombre de jours [de jeûne] du mois de Ramadan ; elle demanda alors à cÂ’ishah : « Dois-je m’en acquitter pour elle ? » cÂ’ishah répondit : « Non. Donne plutôt en aumône, de sa part, pour chaque jour de jeûne non accompli, un demi Sâc à un pauvre ».» b) sur la base du propos que Sacîd Ibn Jubayr a rapporté d’Ibn cAbbâs : « Lorsqu’une personne tombe malade pendant le mois de Ramadan et décède ensuite sans s’être acquittée de son jeûne, il incombe à quelqu’un de le compenser en nourriture sans autre forme d’acquittement. Si par contre, elle est redevable d’un jeûne qu’elle avait fait vœu d’accomplir, il incombe à son tuteur de s’en acquitter pour elle. » [Abû Dâwud] Je dis donc : Cette distinction qu’ont établie la mère des croyants et Ibn cAbbâs, suivis en cela par l’imam de la Sunnah Ahmad Ibn Hanbal, est assurément l’opinion qui tranquillise les cœurs, apaise l’âme et représente l’avis le plus juste et le plus équitable sur la question. En effet, non seulement il met en application tous les hadiths [s’y rapportant], sans en rejeter aucun et les interprètent tous correctement. Cela est particulièrement vrai pour le premier d’entre eux : cÂ’ishah, qui en est le rapporteur, ne l’a pas interprété en le généralisant au jeûne du mois de Ramadan. Or, il est clairement établi que le rapporteur d’un hadith est le plus à même d’en saisir la signification, surtout lorsque la compréhension qu’il en a eue est en conformité avec les principes et les fondements de la Sharîcah, ce qui est le cas ici. Ibn Al-Qayyim a d’ailleurs expliqué ce point dans son ouvrage Iclâm Al-Muwaqqicîn (3/554), après citation et authentification du hadith en question : « Une partie des savants a donc interprété ce hadith dans son sens général et absolue en soutenant la possibilité de rattraper [pour le défunt] le jeûne correspondant à un vœu de même que le jeûne obligatoire. Une autre partie s’est opposée à un tel avis et a affirmé qu’il n’y a pas lieu, dans aucun de ces deux cas, de s’acquitter du jeûne d’un défunt. Enfin, un troisième avis a distingué le jeûne faisant suite à un vœu – qu’il est possible de rattraper à la place du mort – du jeûne obligatoire. Cette position est celle d’Ibn cAbbâs et de ses disciples, et c’est en elle que réside la vérité sur la question. En effet, le jeûne obligatoire revêt le même statut que la prière. Par conséquent, personne ne peut l’accomplir à la place d’autrui, de la même façon qu’il n’est donné à personne de prier ou d’embrasser l’islam à la place d’autrui. Il en est de même pour le jeûne obligatoire. Quant au jeûne faisant suite à un vœu, il constitue, au même titre qu’une dette, un engagement que la personne concernée prend sur elle d’accomplir. Il est dès lors permis à son tuteur de s’en acquitter pour lui comme il le ferait avec ses dettes. Voilà la pleine compréhension [des Textes]. Cette règle s’étend au cas du pèlerinage (Hajj) et de l’aumône légale (Zakât). Ainsi, on ne s’acquitte ni du Hajj, ni de la Zakât pour un défunt, à moins qu’il n’ait une excuse valable justifiant le retard pris dans l’acquittement de ces deux obligations, au même titre qu’un tuteur nourrit des pauvres de la part du défunt qui – de son vivant – avait une excuse valable pour ne pas jeûner. En revanche, pour ce qui est du défunt négligent et inexcusable de son vivant, l’acquittement par autrui des obligations d’Allah qu’il a négligées ne lui est d’aucune utilité. En effet, c’est à lui – et non pas à son tuteur – que s’adressaient ses obligations, Allah désirant l’éprouver et le tester par ce biais. Le repentir d’une personne au nom d’une autre n’est d’aucun secours à cette dernière, tout comme une conversion à l’islam au nom d’autrui est nulle. Il en est de même concernant le fait d’accomplir une prière au nom d’autrui, ou toute autre obligation qu’Allah le Très Haut a instituée et que le défunt a négligée jusqu’à sa mort. » Ibn Al-Qayyim a détaillé et clarifié davantage encore cette question dans Tahdhîb As-Sunan (3/279-282). Le lecteur pourra s’y référer car c’est là un point très important. - Troisièmement : l’acquittement de ses dettes par son tuteur ou toute autre personne. De nombreux hadiths, dont une grande part à été citée dans l’étude du point 17, existent en effet à ce sujet. - Quatrièmement : les œuvres pieuses accomplies par un enfant vertueux ; les parents en reçoivent la même récompense que lui, sans que la sienne n’en soit pour autant amoindrie. En effet, l’enfant est le fruit des efforts de ses parents. Or, le Coran nous dit : « Et qu’en vérité l’homme n’obtient que le fruit de ses efforts. » [An-Najm : 39] Le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) a par ailleurs insisté sur le fait que « la meilleure des choses qu’un être peut consommer est ce qui provient de ce qu’il a acquis. Et certes l’enfant fait partie de ce qu’il a acquis.» [Abû Dâwud] Cela est également appuyé par certains hadiths spécifiques que nous mentionnerons ici et qui ont été cités au sujet du bénéfice que les parents tirent des œuvres de leur enfant comme les aumônes, le jeûne, l’affranchissement d’esclaves ou autres actes de ce type. a) cÂ’ishah rapporte « qu’un homme demanda [au Prophète] : « Ma mère est décédée subitement [sans laisser de testament]. Et je pense que si elle avait pu le faire, elle aurait fait des aumônes. Serait-elle rétribuée d’une aumône que j’accomplirais pour elle ? [Et le serais-je également ?] » Il répondit : « Oui. [Fais des aumônes pour elle.] » » [Al-Bukhârî et Muslim] b) Ibn cAbbâs rapporte : « La mère de Sacd Ibn cUbâdah – le frère des Banû Sâcidah – décéda en son absence. Il dit alors : « Ô Messager d’Allah ! Ma mère est morte en mon absence. Tirerait-elle profit d’une aumône que je ferais pour elle ? » Le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) répondit : « Oui. » Il dit alors : « Sois donc témoin que je donne mon jardin d’arbres fruitiers en aumône pour elle ». » [Al-Bukhârî et Muslim] c) Abû Hurayrah rapporte « qu’un homme dit au Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) : « Mon père est décédé. Il a laissé des biens mais n’a pas écrit de testament. Que je fasse pour lui une aumône expierait-il cela ? » Il dit : « Oui ». » [Muslim] d) cAbdullah Ibn cAmr rapporte « qu’Al-cÂss Ibn Wâ’il As-Sahmî demanda dans son testament que l’on affranchisse en son nom cent esclaves. Son fils Hishâm en affranchit alors cinquante. Son autre fils, cAmr, voulut affranchir les cinquante restants mais se dit : « Pas avant d’avoir interrogé le Messager d’Allah. » Il se présenta donc à ce dernier et lui dit : « Ô Messager d’Allah ! Mon père a demandé dans son testament que soient affranchis cent esclaves. Hishâm en a affranchi cinquante, il en reste donc cinquante. Puis-je les affranchir pour lui ? » Le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) répondit alors : « S’il était musulman, tout affranchissement, aumône ou pèlerinage que vous accomplirez pour lui, lui parviendra certainement. » (Et dans une autre version) : « S’il a reconnu l’unicité d’Allah, il tirera certes profit du jeûne et des aumônes que tu accompliras pour lui ». » [Abû Dâwud] Ash-Shawkâni a dit dans Nayl Al-Awtâr : « Les hadiths de ce chapitre indiquent [à la fois] que l’aumône accomplie par une personne est attribuée à ses parents après leur décès même s’ils ne l’ont pas stipulée par un testament, et que la récompense leur parvient. Ceci spécifierait la portée générale du verset dans lequel Allah dit : « Et qu’en vérité l’homme n’obtient que le fruit de ses efforts. » Or, les hadiths en question n’évoquent rien d’autre que l’aumône accomplie par l’enfant qui est également attribuée à ses parents. Et il est clairement établi que l’enfant fait partie, pour son géniteur, du fruit de ses efforts. Il n’y a par conséquent pas lieu de prétendre spécifier la portée du verset ci-dessus. Quant aux œuvres accomplies par une personne autre que l’enfant, il ressort des principes coraniques généraux que leur récompense ne parvient pas au mort et qu’il faut s’en tenir à leur portée générale jusqu’à ce qu’une preuve ne vienne les spécifier. » Je dis : C’est selon moi la vérité sur la question et tel est l’avis qu’impliquent les fondements et les principes des sciences religieuses. A savoir que le verset doit être compris selon sa portée générale et que la récompense de l’aumône – ou de toute autre œuvre pieuse – parvient aux parents de la personne qui l’accomplit puisque cette dernière fait partie de ce que ses géniteurs ont produit comme efforts, ce qui n’est pas le cas pour une personne autre que l’enfant. Cependant, An-Nawawî et d’autres ont mentionné l’existence d’un consensus stipulant que la récompense de l’aumône accomplie pour le défunt – en général et non pour le géniteur en particulier – parvenait à ce dernier. Si un tel consensus était avéré, il spécifierait évidemment les principes généraux auxquels a fait allusion Ash-Shawkânî au niveau de l’aumône ; ces principes ne s’appliqueraient plus alors qu’aux autres adorations comme le jeûne, la récitation du Coran et autres actes cultuels de ce genre. Je doute toutefois fortement du bien fondé d’un tel consensus pour les deux raisons suivantes : La première : le consensus – comme défini dans la science des fondements du droit islamique – est impossible à réaliser en pratique sur les questions autres que celles qui sont nécessairement connues (Maclûm min ad-Dîn bid-Dharûrah). Cette réalité a d’ailleurs été établie par des sommités comme – entre autres – Ibn Hazm dans Usûl Al-Ahkâm, Ash-Shawkâni dans Irshâd Al-Fuhûl ou le professeur cAbdul-Wahhâb Khallâf dans son ouvrage intitulé Usûl Al-Fiqh. L’imam Ahmad y a d’ailleurs fait allusion dans sa célèbre parole par laquelle il dément le propos de quiconque prétendrait l’existence d’un consensus et que son fils cAbdullah a rapportée dans Al-Masâ’il. La seconde : j’ai sondé de nombreuses questions prétendument consensuelles et j’ai constaté non seulement l’existence d’une divergence connue, mais surtout l’opposition de l’avis de la majorité des savants au dit consensus. Entreprendre de les citer tous ici serait trop long et nous ferait sortir du cadre de notre propos. C’est pourquoi je me contenterai de rappeler un seul exemple, à savoir le consensus rapporté par An-Nawawî selon lequel l’accomplissement de la prière mortuaire n’est pas jugée détestable (Makrûh) dans les temps où la prière l’est. Or, ce point fait l’objet d’une très ancienne et célèbre divergence et la majorité des savants vont à l’encontre de ce supposé consensus, ainsi que nous l’avons détaillé plus haut. Un autre cas sera étudié plus bas, si Allah le veut. D’autres savants ont par ailleurs tenté d’établir une analogie entre le géniteur et autrui. Or, cette analogie (Qiyâs) est nulle et non avenue pour les raisons suivantes : 1- Cette analogie contredit tout d’abord les principes généraux du Coran. Ainsi s’oppose-t-elle à cette parole d’Allah : « …Et quiconque se purifie ne se purifie que pour lui-même... » [Fâtir : 18], et à d’autres versets qui lient le succès et l’entrée au paradis aux œuvres pieuses. Or, il ne fait aucun doute que les parents purifient leur âme par le biais de l’éducation et de la prise en charge de leur enfant. Ceci leur vaut de recevoir la même récompense que lui, contrairement à toute autre personne. 2- Il existe une différence notoire entre les deux éléments de l’analogie. Cela apparaît clairement si l’on se souvient que l’enfant est légalement considéré comme faisant partie de ce que ses parents – et personne d’autre – ont acquis. En effet, Allah dit : « Toute âme est l’otage de ce qu’elle a acquis. » [Al-Muddaththir : 38], et aussi : «...Elle sera récompensée du bien qu’elle aura accomplie et punie du mal qu’elle aura fait... » [Al-Baqarah : 286] Ibn Kathîr a d’ailleurs commenté le verset : « Et qu’en vérité l’homme n’obtient que le fruit de ses efforts. » en disant : « Autrement dit, de même qu’on ne peut lui faire porter le fardeau d’autrui, [l’être] ne peut avoir d’autre rétribution que celle qui correspond aux efforts qu’il aura produit pour lui-même. Ash-Shâfici et ses disciples ont d’ailleurs déduit de ce noble verset que le don de la récompense liée à la récitation du Coran, que certains peuvent adresser aux morts, ne parvient pas à ces derniers car ceci ne fait pas partie de leurs œuvres, ni de ce qu’ils ont ) n’a ni recommandé, ni orienté, nieacquis. C’est pourquoi le Messager d’Allah ( incité les membres de sa communauté, que ce soit par un texte ou encore par une simple allusion, vers une telle pratique. Cela n’a pas non plus été rapporté de la part d’un seul de ses Compagnons qui nous y aurait certainement devancés s’il y avait là quelque bien. Nous savons en outre que les actes par lesquels l’être peut se rapprocher de son Seigneur est un domaine où il convient de s’arrêter au niveau des textes et où toute attitude ayant recours aux divers types d’analogie ou de raisonnements personnels est à proscrire. » Par ailleurs, Al-cIzz Ibn cAbdus-Salâm a dit dans Al-Fatâwâ (24/2) : « Lorsque quelqu’un accomplit un acte d’obéissance puis entreprend d’en offrir la récompense à une personne, vivante ou morte, la dite récompense ne parvient pas à la personne visée, car : « Et en vérité l’homme n’obtient que le fruit de ses efforts ». S’il entreprend donc d’accomplir un acte d’obéissance dans l’intention de le voir comptabilisé pour un mort, l’acte en question ne sera pas comptabilisé pour ce dernier, à l’exception des œuvres que la législation a exemptées comme l’aumône, le jeûne et le pèlerinage. » Notons au passage que ce qui a été évoqué par Ibn Kathîr au sujet d’Ash-Shâfici représente l’opinion de la majorité des savants et d’un groupe de savants hanafites, ainsi que l’a rapporté Az-Zubaydî dans Sharh Al-Ihyâ (10/369). 3- Si cette analogie était correcte, elle impliquerait qu’il serait conseillé et recommandé d’offrir la récompense [des actes d’obéissances] aux morts. Les Prédécesseurs, s’il en était ainsi, auraient donc agi en ce sens, eux qui aspiraient plus que nous à l’obtention de la rétribution [de leur Seigneur]. Or, ils ne se sont pas comportés de la sorte comme nous avons pu le voir ci-dessus dans le propos d’Ibn Kathîr. Ce qui indique par conséquent, et c’est ce que nous nous étions proposés de démontrer, que l’analogie mentionnée plus haut n’est pas valable. Shaykh Al-Islâm Ibn Taymiyyah a d’ailleurs dit dans Al-Ikhtiyârât Al-cIlmiyyah (p.54) : « Les Prédécesseurs n’avaient pas pour habitude, lorsqu’ils accomplissaient de façon surérogatoire une prière, un jeûne ou un pèlerinage, ou bien lorsqu’ils récitaient le Coran, d’offrir la récompense de tels actes aux morts de la communauté musulmane. Il convient donc de ne pas s’écarter de la voie des Prédécesseurs car celle-ci est certes la meilleure et la plus parfaite des voies. » Remarquons toutefois ici qu’Ibn Taymiyyah a émis sur cette question un autre avis dans lequel il contredit ce qu’il vient juste d’évoquer quant à l’attitude des Prédécesseurs. Il a soutenu que le mort pouvait tirer profit de tous les actes d’adoration accomplis par autre que lui ! Cette thèse a été adoptée par Ibn Al-Qayyim dans son livre Ar-Rûh sur la base d’un raisonnement semblable à l’analogie dont nous venons de démontrer le caractère infondé. Or, cela contraste complètement avec son attitude habituelle au niveau des questions purement cultuelles pour lesquelles il a toujours évité – surtout quand cela contredisait l’avis des pieux Prédécesseurs – de s’accorder trop de liberté dans le recours au raisonnement analogique. Le grand savant As-Sayyid Muhammad Rashîd Ridhâ a d’ailleurs résumé puis scientifiquement et solidement démenti son propos dans Tafsîr Al-Manâr (8/254-270). Le lecteur qui désire approfondir ce point pourra s’y reporter. Nombre d’innovateurs ont en outre exploité ce propos afin de combattre la Sunnah. Ils se sont appuyés sur le Cheikh (Ibn Taymiyyah) et son élève (Ibn Al-Qayyim) contre les partisans et les adeptes de la Sunnah, ignorant, ou feignant d’ignorer, que ces derniers – contrairement à eux – ne suivent personne aveuglément dans ce qui a trait à la religion d’Allah. [Ignorant également] qu’ils ne font pas primer le propos d’un savant – aussi bonne soit l’opinion qu’ils ont de sa science et de sa piété – sur la vérité quand elle apparaît clairement. [Ignorant enfin] qu’ils focalisent sur le propos et non sur son auteur, sur la preuve et non sur l’imitation aveugle (At-Taqlîd), en ayant constamment à l’esprit ces paroles de l’imam Mâlik : « Chacun de nous critique les propos d’autrui ou voit ses propos critiqués, excepté celui qui occupe cette tombe », et également : « Chacun de nous voit certains de ses propos acceptés et d’autres rejetés, excepté celui qui occupe cette tombe. » Si les savants admettent que toute croyance ou opinion adoptée ici-bas par un individu exerce une influence – bénéfique ou néfaste – sur son comportement, ils admettent également que tout effet indique nécessairement l’existence d’une cause, mutuellement liés. Dès lors, il ne fait aucun doute qu’un tel propos agit de façon néfaste sur ceux qui y adhèrent. Ils auront ainsi tendance à se reposer sur autrui en vue de l’obtention de la récompense [d’Allah] et des hauts degrés. En effet, pourquoi ne pas cesser d’agir pour soi-même et plutôt compter sur les œuvres d’autrui lorsque l’on sait que les gens offrent, chaque jour, des centaines de fois [la récompense de leurs] bonnes actions aux membres, vivants ou morts, de la communauté des croyants ? Prenez par exemple le cas de certains cheikhs [soufis] qui vivent du fruit du travail de leurs élèves et qui ne déploient pas le moindre effort afin de gagner leur pain quotidien à la sueur de leur front et à la force de leurs bras... Une telle attitude est uniquement due au fait qu’ils s’en dispensent pour compter ensuite sur le travail d’autrui. Cela est observable dans le domaine du concret et cela est également vrai pour ce qui est des choses abstraites comme c’est le cas avec cette question. Et plut à Allah que les choses en soient restées là sans aller jusqu’à plus dangereux encore ! Il existe en effet un avis soutenant la possibilité d’accomplir le pèlerinage à la place d’une personne même si celle-ci ne possède aucune excuse, comme le font la plupart des gens fortunés qui délaissent leurs obligations religieuses. Un tel avis les incite à négliger l’acquittement du pèlerinage puisqu’ils s’en servent afin de justifier leur attitude et qu’ils disent au fond d’eux : « Ils l’accompliront à ma place après ma mort » ! Plus néfaste encore, cette thèse selon laquelle il est impératif de décharger le mort des prières qu’il avait délaissées et qui fait partie des plus importants facteurs expliquant l’abandon de cette obligation par certains musulmans. Eux aussi se justifient en disant que d’autres s’en acquitteront après leur mort. Bien d’autres avis possédant un impact clairement négatif sur la société existent en plus de ceux-là. C’est pourquoi il incombe au savant qui aspire à réformer la société de démentir ce genre d’affirmations qui contredisent à la fois les Textes et les nobles buts de la Législation. Et quelle énorme différence entre l’impact de tels avis et celui de ceux qui s’arrêtent aux Textes et qui ne s’en écartent pas par l’interprétation ou l’analogie. En effet, une personne n’accréditant pas de telles affirmations ne se reposera pas sur autrui quant au fait d’œuvrer et d’espérer en la rétribution d’Allah, parce qu’elle considère que seules ses œuvres peuvent lui valoir le salut et que sa seule rétribution sera celle qui résultera de ses propres efforts. Plus encore – et plutôt que d’espérer en ces bonnes actions imaginaires – elle considérera, théoriquement, qu’il lui est impératif d’œuvrer autant que faire se peut afin de laisser un résultat positif dont elle recevra la récompense lorsqu’elle se retrouvera seule dans sa tombe. Et ceci constitue l’une des nombreuses causes de la supériorité des Prédécesseurs et de notre retard, tout comme cela explique la victoire qu’Allah leur accorda et l’humiliation dont Il nous frappe. Nous L’implorons donc de nous guider comme Il les a guidés et de nous accorder la victoire ainsi qu’Il l’a fait pour eux. - Cinquièmement : les résultats bénéfiques [des œuvres] et les aumônes dont la récompense continue [après la mort du donateur] (Sadaqah Jâriyah) qu’il laisse derrière lui, conformément à la parole d’Allah : «...et Nous écrivons ce qu’ils ont fait [pour l’au-delà] et les résultats de leurs œuvres ... » [Yâ-Sîn : 12] Plusieurs hadiths ont également été mentionnés à ce sujet : a) celui d’Abû Hurayrah selon qui le Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam) a dit : « Lorsque l’être humain décède, son œuvre s’interrompt [1] à l’exception de trois [choses] : une aumône continue (ou perpétuelle), une science dont les gens tirent profit, ou un enfant vertueux [2] qui invoque Allah en sa faveur. » [Muslim] [1] : Autrement dit : le bénéfice de son œuvre et le renouvellement de la rétribution qui lui est attachée. Al-Khattâbi dit ainsi dans l’ouvrage Al-Macâlim : « Ce hadith indique que la procuration (An-Niyâbah) ne s’applique pas au niveau du jeûne, de la prière et de tous les actes du corps allant dans ce sens. Il pourrait même servir d’argument en faveur de ceux qui soutiennent que le pèlerinage accompli pour un défunt est en réalité compté pour celui qui l’a accompli et que seules l’invocation et la récompense de l’argent que le défunt a éventuellement dépensé à cet effet lui parviennent. » [2] « Cette restriction à l’enfant vertueux est due au fait que c’est de lui seul que peut survenir la récompense. Quant au péché commis par l’enfant, il n’atteint pas le père si l’intention de ce dernier était d’obtenir le bien [par le biais de son éducation]. Le hadith fait mention de l’invocation tout particulièrement, afin d’exhorter l’enfant à invoquer Allah pour son père. Mais il ne s’agit pas là d’une restriction. En effet, toutes les fois que l’enfant vertueux accomplit une action pieuse, sa récompense est inscrite sur le compte de son père. Ceci est toujours vrai, que l’enfant invoque Allah pour lui ou non. Cette situation est identique à celle d’une personne qui aurait planté un arbre, et qui en récolterait la récompense toutes les fois qu’une personne mangerait de ses fruits, qu’elle invoque Allah pour elle ou non. Tout ce qui précède est vrai pour la mère également. » Voir Mabâriq Al-Azhâr fî Sharh Mashâriq Al-Anwâr d’Ibn Al-Malak. b) celui d’Abû Qatâdah selon qui le Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam) a dit : « Ce que l’être humain peut laisser de mieux après sa mort réside dans trois choses : un enfant vertueux qui invoque [Allah] en sa faveur, une aumône continue dont la récompense lui parvient, et une science que l’on applique après lui. » [Ibn Mâjah] c) celui d’Abû Hurayrah selon qui le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) a dit : « Parmi les oeuvres et les bonnes actions accomplies par le croyant et dont la récompense lui parvient après sa mort, on trouve : une science qu’il a enseignée et diffusée, un enfant pieux, un exemplaire du Coran qu’il a légué, une mosquée qu’il a édifiée, une maison qu’il a construite à l’intention des voyageurs indigents, une source d’eau potable qu’il a léguée ou une aumône qu’il a faite de ses biens de son vivant alors qu’il jouissait de sa santé ; tout cela lui parvient donc après sa mort. » [Ibn Mâjah] d) celui de Jarîr Ibn cAbdullah qui a dit : « Nous étions auprès du Messager d’Allah (salallahu ‘alayhi wasalam) au beau milieu de la journée quand des gens venant presque tous – et même tous – de Mudhar se présentèrent, pieds nus, vêtus de tuniques rayées qui les couvraient à peine. Ils portaient des sabres en bandoulière [et ne portaient pas d’Izâr ou d’autre vêtement]. L’expression du visage du Messager (salallahu ‘alayhi wasalam) changea brusquement à la vue de leur état de pauvreté. Il entra alors puis ressortit et ordonna à Bilâl d’appeler à la prière. Il accomplit donc la prière [du Zhuhr, monta sur une petite chaire] et tînt un discours dans lequel [il loua Allah et fit Son éloge] pour dire ensuite : [« Cela étant dit... Allah a révélé les paroles suivantes dans Son Livre…] : « Ô vous les gens! Craignez votre Seigneur qui vous a créés d’un seul être et a créé de celui-ci son épouse pour faire se répandre, à partir de ces deux-là, beaucoup d’hommes et de femmes. Craignez Allah au Nom duquel vous vous implorez les uns les autres et craignez de rompre les liens de parenté. Certes, Allah vous observe parfaitement. » [An-Nisâ’ : 1] et le verset dans la sourate l’Exode : « [Ô vous les croyants !] Craignez Allah et que chaque âme pense à ce qu’elle a avancé pour demain. Et craignez Allah car Allah est parfaitement Connaisseur de ce que vous faites. [Et ne soyez pas comme ceux qui ont oublié Allah qui leur a alors fait oublier leurs propres personnes; ceux-là sont les pervers. Ne seront pas égaux les gens du Feu et les gens du Paradis. Les gens du Paradis seront, eux, les gagnants. » … Faites aumône avant que quelque obstacle ne vous en empêche.] Que celui qui le peut donne de son dînâr, de son dirham, de ses vêtements, de sa poignée de froment, [de son orge] et de sa poignée de dattes. » Puis le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) dit : [« Que personne parmi vous ne dénigre la moindre aumône], ne serait-ce qu’une moitié de datte. » [Remarquant la nonchalance de son auditoire à se conformer à son ordre, la colère apparut sur le visage du Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam).] Vint alors un membre de la tribu des Ansâr avec une bourse [d’argent (et dans une autre version : d’or)] d’un poids tel que sa main fut incapable de la porter. [Il la présenta au Messager d’Allah qui était sur sa chaire] [et dit : « Ô Messager d’Allah ! Cette bourse est donnée pour Allah. »] [Le Prophète (salallahu ‘alayhi wasalam) la prit.] [Abû Bakr se leva ensuite et donna. cUmar en fit de même, puis les Muhâjirûn et les Ansâr donnèrent.] Et les gens de se succéder alors [avec leurs aumônes]. [Qui de donner de son dînâr, qui de donner de son dirham et ainsi de suite] jusqu’à ce que je vis deux monticules de nourriture et de vêtements et le visage du Messager (salallahu ‘alayhi wasalam) resplendissant de joie. Il dit alors : « Quiconque instaure en islam une bonne tradition (Sunnah Hasanah) en recevra la récompense et recevra la récompense de tous ceux qui la pratiqueront après lui, sans que cela ne diminue en rien de leur rétribution. Et quiconque instaure en islam une mauvaise tradition en portera le fardeau et portera le fardeau de tous ceux qui la pratiqueront après lui, sans que cela n’allège en rien leur péché. » [Puis il récita : « ... et Nous écrivons ce qu’ils ont fait [pour l’au-delà] ainsi que les résultats de leurs œuvres ... » [Il dit : « Puis il partagea les dons entre eux. »] » [Muslim] Source : Ahkâm Al-Janâ’iz, édité en français aux éditions Al-Ma’ârif. Traduction : Said Boumazza/ Yaqub Leenen Remarque : Nous avons publié cette partie de l’ouvrage car il est trop méconnu auprès du lectorat francophone, nous encourageons nos frères et sœurs à l’acquérir et à profiter de ce trésor. On ne trouve dans la littérature islamique aucun ouvrage de cette qualité sur ce thème. Le shaykh y a excellé et a montré sa grande connaissance du hadith et du Fiqh. Soulignons aussi l’immense travail de nos frères qui ont traduit ce livre en lui accordant toute son importance et en maintenant une qualité et une précision de traduction exemplaire tout au long de l’ouvrage, qu’Allah les récompense de la meilleure façon